Le chat en littérature

Les chats de Jean Anouilh

Biographie sommaire

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Le chat bourgeois

Un chat tuait sans vrai désir.
C'était un chat très riche et il n'avait pas faim
Il faut bien se distraire enfin :
Chat bourgeois a tant de loisirs....
On ne peut pas toujours dormir sur un coussin.

De souris, il ne mangeait guère ;
Son pedigree fameux l’ayant mis au dessus
Des nourritures du vulgaire.
Son régime était strict. Cet immeuble cossu,
En outre visité, à des dates périodiques,
Par les services de la dératisation,
Gens aux procédés scientifiques,
Tuant sans joie ni passion,
Au nom de I’administration,
De rat, de vrai bon rat, qui fuit et qu’on rattrape
Négligemment, ne le tuant qu’à petits coups
Sans tuer son espoir - vrai plaisir de satrape -
Il n'y en avait plus du tout
Avec leurs poisons et leurs trappes.
Restaient quelques moineaux bêtes et citadins,
Race ingrate
Qu’on étendait d'un coup de patte :
Assez misérable fretin.
Oubliant les rats,
L’employé du service d'hygiène ne vint pas.
On l'avait convoqué
Sur une autre frontière.
Pour tuer cette fois des hommes. Et la guerre,
Approchant à grands pas des quartiers élégants,
Les maîtres de mon chat durent fuir sans leurs gants,
En un quart d'heure, sur les routes incertaines.
Dans l'impérieux souci de sauver leur bedaine
Ils oublièrent tout, les bonnes et le chat.
Les bonnes changèrent d'état.
Loin de Madame, violées par des militaires,
Elles si réservées, elles se révélèrent
Putains de beaucoup de talent.
Leur train de vie devint tout à coup opulent
Et elles prirent une bonne.
Après un temps de désarroi,
Le chat, devenu chat, comprit qu’il était roi;
Que la faim est divine et que la lutte est bonne.
D'un oeil blanc, d'une oreille arrachée aux combats
Dont il sorti vainqueur contre les autres chats,
Il paya ses amours royales sous la lune.
Sans régime et sans soin, ne mangeant que du rat
Il perdit son poil angora
Qui ne tenait qu’à sa fortune
Et auquel il ne tenait pas;
Il y gagna la mine altière
Et l’orgueil des chats de gouttière,
Et bénit à jamais la guerre
Qui offre aux chats maigris des chattes et des rats.

Jamais ce que l'on vous donne
Ne vaudra ce que l'on prend
Avec sa griffe et sa dent.
La vie ne donne à personne.
Jean Anouilh, Fables

 

Les Chats

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires

Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;

Leurs reins féconds sont plein d'étincelles magiques
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Baudelaire, Les fleurs du mal

 

Le Chat

Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.
Baudelaire, Les fleurs du mal

Les chats de Joachim du Bellay

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Bellay (DU), JOACHIM, poète français, né près de Liré (1522-1560), Ami et collaborateur de Ronsard, il rédigea le manifeste de la Pléiade, Défense et illustration de la langue française (1549). Du séjour qu'il fit à Rome comme secrétaire de son cousin le cardinal, il rapporta deux recueils poétiques : les Antiquités de Rome et les Regrets (1558), qui expriment ses déceptions et ses nostalgies.

 

Epitaphe d'un chat

Petit museau, petites dents,
Yeux qui n'étaient point trop ardents,
Mais desquels la prunelle perse
Imitait la couleur diverse
Qu'on voit en cet arc pluvieux
Qui se courbe au travers des cieux ;
La tête à la taille pareille,
Le col grasset, courte l'oreille,
Et dessous un nez ébénin
Un petit mufle léonin,
Autour duquel était plantée
Une barbelette argentée,
Armant d'un petit poil follet
Son musequin damoiselet ;
La gorge douillette et mignonne,
la queue longue à la gueunonne,
Mouchetée diversement
D'un naturel bigarrement :
Tel fut Belaud la gente bête
Qui des pieds jusques à la tête,
De telle beauté fut pourvu
Que son pareil on n'a point vu.
Joachim du Bellay 

 

Les chats de Maurice Carême

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Carême (Maurice) , issu d’une famille modeste, est né le 12 mai 1899 à Wavre, dans le Brabant wallon. Il passe à Wavre une enfance campagnarde si heureuse qu’elle sera une des sources d’inspiration de son œuvre. En 1914, il écrit ses premiers poèmes. En septembre 1918, il est nommé instituteur à Anderlecht. Il quitte alors Wavre pour s’installer dans la banlieue bruxelloise. Il épouse, en 1921, Andrée Gobron, une institutrice originaire de Dison (Caprine dans ses poèmes). En 1933, il termine des études de déclamation au Conservatoire de Bruxelles. La même année, il fait construire , Avenue Melba à Anderlecht, la Maison Blanche, à l’image des maisons anciennes de son Brabant. Elle devient , en 1975, le siège de la Fondation Maurice Carême et le Musée Maurice Carême en 1978. En 1943, Maurice Carême quitte l’enseignement pour se consacrer entièrement à la littérature. Il meurt le 13 janvier 1978 à Anderlecht.

 

IL A NEIGE

Il a neigé dans l'aube rose,
Si doucement neigé
Que le chaton noir croit rêver
C'est à peine s'il ose
Marcher.

Il a neigé dans l'aube rose,
Si doucement neigé
Que les choses
Semblent avoir changé.

Et le chaton noir n'ose
S'aventurer dans le verger,
Se sentant soudain étranger
A cette blancheur ou se posent,
Comme pour le narguer,
Des moineaux effrontés.
Maurice Carême
In La lanterne magique

 

 

MON PETIT CHAT

J'ai un petit chat
Petit comme ça,
Je l'appelle Orange.

Je ne sais pourquoi
jamais il ne mange
Ni souris ni rat

C'est un chat étrange
Aimant le nougat
et le chocolat.

Mais c'est pour cela,
dit tante Solange
Qu'il ne grandit pas
Maurice Carême,

LE CHAT ET LE SOLEIL

Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta,

Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.
Maurice Carême
In l'Arlequin

 

 

Les chats de Charles Cros
 

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Cros (Charles) , poète et savant né à Fabrezan (1842-1888). Il découvrit un procédé de photographie des couleurs (1869) en même temps que Ducos du Hauron et eut l'idée du phonographe dès 1877.

 

A une Chatte

Chatte blanche, chatte sans tache,
Je te demande, dans ces vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.

Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pas

Ton museau que ton nez termine,
Rose comme un bouton de sein,
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.

Pourquoi cette sérénité?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font, frissonnant et blèmes,
Passer le printemps et l'été?

Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s'efface,

Où va la pensée, où s'en vont
Les défuntes splendeurs charnelles? ...
Chatte, détourne tes prunelles;
J'y trouve trop de noir au fond.
Charles Cros

 

Berceuse

Endormons-nous, petit chat noir.
Voici que j'ai mis l'éteignoir
Sur la chandelle.
Tu vas penser à des oiseaux
Sous bois, à de félins museaux...
Moi rêver d'elle.

Nous n'avons pas pris de café,
Et dans mon lit bien chauffé
(Qui veille pleure.)
Nous dormirons, pattes dans bras.
Pendant que tu ronronneras,
J'oublierai l'heure.

Sous tes yeux fins, appesantis,
Reluiront les oaristys
De la gouttière.
Comme chaque nuit, je croirai
La voir, qui froide a déchiré
Ma vie entière.

Et ton cauchemar sur les toits
Te diras l'horreur d'être trois
Dans une idylle.
Je subirais les yeux railleurs
De son faux cousin, et ses pleurs
De crocodile.

Si tu t'éveilles en sursaut
Griffé, mordu, tombant du haut
Du toit, moi-même
Je mourrai sous le coup félon
D'une épée au bout du bras long
Du fat qu'elle aime.

Puis hors du lit, au matin gris,
Nous chercherons, toi, des souris,
Moi, des liquides
Qui nous fassent oublier tout,
Car au fond, l'homme et le matou
Sont bien stupides.
Charles Cros

 

Les chats de Jean Desmeuzes

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Desmeuzes (Jean)

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Semonce à Mistigri

 

 

Semonce à Mistigri

Mon Mistigri, mon infidèle,
Tu dois venir quand je t'appelle,
Au lieu de courir la souris
Tout le jour et encor la nuit.
Je n'aime pas cette manière
De te sauver dans les jardins
Quand je t'ai préparé du pain,
Et de la sauce et du gruyère...
Tu en connais, toi, des maîtresses
Aussi patientes que je suis,
Et qui vous font milles caresses
Après qu'on s'est si mal conduit ?
Jean Desmeuze

 

Les chats de Robert Desnos

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DESNOS Robert, poète français, nè à Paris, mort en déportation (1900-1945). Il évolua du surréalisme vers un lyrisme plus quotidien (Corps et bien, Domaine Public).

 

Le Chat Qui ne Ressemble à rien

Le chat qui ne ressemble à rien
Aujourd'hui ne va pas très bien.

Il va visiter le Docteur
Qui lui ausculte le coeur.

Votre coeur ne va pas bien
Il ne ressemble à rien,
Il n'a pas son pareil
De Paris à Créteil.

Il va visiter sa demoiselle
Qui lui regarde la cervelle.

Votre cervelle ne va pas bien
Elle ne ressemble à rien,

Elle n'a pas son contraire
A la surface de la terre.

Voilà pourquoi le chat qui ne ressemble à rien
Est triste aujourd'hui et ne va pas bien.
Robert Desnos

 Les chats de Eliot (Thomas Stearns)

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ELIOT Thomas Stearns, écrivain anglais d'origine américaine, né à Saint Louis (1888-1965). Critique de la société moderne à travers les mythes antiques (la Terre gaste). Il évolua vers un catholicisme mystique (Meurtre dans la cathédrale). [Prix Nobel, 1948.]

 

Comment appeler son chat

C'est un art délicat, que d'appeler son chat :
Le baptiser n'est pas un simple passe-temps.
Je ne travaille pas du chapeau, croyez-moi,
Mais sachez-le, un chat a trois noms différents.
Un chat a, tout d'abord, son nom de tous les jours,
Comme Pierre ou Jean-Paul, Aglaë, Pompadour,
Comme sylvain ou Luc, Chat-fouuré, Cyprien...
Tous sont des noms sérieux, pour chats bien de chez nous.
Mais un chat a besoin, il faut que ça se sache,
D'un vrai nom personnel, un nom plus majestueux.
Sans ce nom, il ne peut pas redresser sa queue,
Affirmer sa fierté, hérisser ses moustaches.
Des noms de cette sorte, en veux-tu, en voilà,
Comme Méta-Mhétyl. Ouitchi, Kalikola...
Mais par-dessus tout ça, il reste encore un nom,
C'est le nom que jamais nul ne peut deviner,
C'est le nom dont jamais nul ne saura le nom,
LE CHAT QUI LE CONNAIT ne veut le révéler...

Thomas Stearns Eliot

 

Les chats de Paul Eluard

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ELUARD Paul, pas de biographie disponible actuellement, revenez bientôt.

 

 

Le chat

Pour ne poser qu'un doigt dessus
Le chat est bien trop grosse bête.
Sa queue rejoint sa tête,
Il tourne dans ce cercle
Et se répond à la caresse.

Mais, la nuit l'homme voit ses yeux
dont la pâleur est le seul don.
Ils sont trop gros pour qu'il les cache
Et trop lourds pour le vent perdu du rêve.

Quand le chat danse
C'est pour isoler sa prison
Et quand il pense
C'est jusqu'aux murs de ses yeux.

Paul Eluard, Les animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux.

 

Les chats de Jules Laforgues

Biographie sommaire

LAFORGUES Jules, poète français, né à Montevideo (1860-1887),auteur de poèmes (les Complaintes) et de contes en prose (les Moralités légendaires, 1887) de style précieux et impressionniste, l'un des créateurs du vers libre.

 

À La Mémoire d'une Chatte Naine Que j'avais

Ô mon beau chat frileux, quand l'automne morose
Faisait glapir plus fort les mômes dans les cours,
Combien passâmes-nous de ces spleeniques jours
À rêver face à face en ma chambre bien close.

Lissant ton poil soyeux de ta langue âpre et rose
Trop grave pour les jeux d'autrefois et les tours,
Lentement tu venais de ton pas de velours
Devant moi t'allonger en quelque noble pose.

Et je songeais, perdu dans tes prunelles d'or
- Il ne soupçonne rien, non, du globe stupide
Qui l'emporte avec moi tout au travers du Vide,

Rien des Astres lointains, des Dieux ni de la Mort ?
Pourtant !... quels yeux profonds !... parfois... il m'intimide
Saurait-il donc le mot ? - Non, c'est le Sphinx encor.
Jules Laforgue

Les chats de Henri Monnier

Biographie sommaire

Monnier Henri,écrivain et caricaturiste français, né à Paris (1799-1877), créateur de Joseph Prudhomme, type de bourgeois inepte et sentencieux.

 

On les a fait Venir!

Je suis le chat de cimetière,
De terrain vague et de gouttière,
De haute-Egypte et du ruisseau
Je suis venu de saut en saut.

Je suis le chat qui se prélasse
A l'instant où le soleil passe,
Dans vos jardins et dans vos cours
Sans avoir patte de velours.

Je suis le chat de l'infortune,
Le trublion du clair de lune
Qui vous réveille dans la nuit
Au beau milieu de vos ennuis.

Je suis le chat des maléfices
Condamné par le Saint-Office;
J'évoque la superstition
Qui cause vos malédictions.

Je suis le chat qui déambule
Dans vos couloirs de vestibules,
Et qui fait ses petits besoins
Sous la porte cochère du coin.

Je suis le félin bas de gamme,
La bonne action des vieilles dames
Qui me prodiguent le ron-ron
Sans souci du qu'en dira-t-on.

Epargnez moi par vos prières
Le châtiment de la fourrière
Où finissent vos émigrés
Sans demeure et sans pedigree.
Henri Monnier

 

Biographie sommaire

Prévert Jacques, pas de biographie actuellement, revenez bientôt.

 

 

Le chat et l'oiseau

Un village écoute désolé
Le chant d'un oiseau blessé
C'est le seul oiseau du village
Et c'est le seul chat du village
Qui l'a à moitié dévoré
Et l'oiseau cesse de chanter
Le chat cesse de ronronner
Et de se lécher le museau
Et le village fait à l'oiseau
De merveilleuses funérailles
Et le chat qui est invité
Marche derrière le petit cercueil de paille
Où l'oiseau mort est allongé
Porté par une petite fille
Qui n'arrête pas de pleurer
Si j'avais su que cela te fasse tant de peine
Lui dit le chat
Je l'aurais mangé tout entier
Et puis je t'aurais raconté
Que je l'avais vu s'envoler
S'envoler jusqu'au bout du monde
Là-bas c'est tellement loin
Que jamais on n'en revient
Tu aurais eu moins de chagrin
Simplement de la tristesse et des regrets

Il ne faut jamais faire les choses à moitié
Jacques Prévert

 

 

Les chats de Edmond Rostand

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ROSTAND Edmond, auteur dramatique français, né à Marseille (1868-1918), célèbre pour ses comédies et ses drames héroïques en vers (cyrano de Bergerac, 1897; l'Aiglon, 1900).[Acad. fr.] - Son fils JEAN, biologiste né à Paris (1894-1977), est l'auteur d'importants travaux sur la parthénogénèse expérimentale et de livres sur la place de la biologie dans la culture humaniste dont il se réclamait. (Acad. fr.)

 

Le petit chat

C'est un petit chat noir, effronté comme un page.
Je le laisse jouer sur ma table, souvent.
Quelquefois il s'assied sans faire de tapage;
On dirait un joli presse-papier vivant.

Rien de lui, pas un poil de sa toison ne bouge.
Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
A ces matous, tirant leur langue de drap rouge,
Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,
Le frôle; puis, à coups de langue très petits,
Il le lampe; et dès lors il est à son affaire;
Et l'on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.

Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

Alors, il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l'air étonné d'avoir déjà fini;
Et, comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,
Il relustre avec soin son pelage terni.

Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates;
Il les ferme à-demi, parfois, en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.

Mais le voilà qui sort de cette nonchalance,
Et, faisant le gros dos, il a l'air d'un manchon;
Alors pour l'intriguer un peu, je lui balance,
Au bout d'une ficelle invisible un bouchon.

Il fuit en galopant et la mine effrayée,
Puis revient au bouchon, le regarde, et d'abord
Tient suspendue en l'air sa patte repliée,
Puis l'abat, et saisit le bouchon et le mord.

Je tire la ficelle, alors, sans qu'il le voie;
Et le bouchon s'éloigne, et le chat noir le suit,
Faisant des ronds avec sa patte qu'il envoie,
Puis saute de côté, puis revient, puis refuit.

Mais dès que je lui dis: "Il faut que je travaille;
Venez vous asseoir là, sans faire le méchant!"
Il s'assied ... Et j'entends, pendant que j'écrivaille,
Le petit bruit mouillé qu'il fait en se léchant.
Edmond Rostand

 

Les chats de Paul Verlaine

Biographie sommaire

Verlaine Paul, poète français, né à Metz (1844-1896). D'abord "poète-fonctionnaire" et de salon, il connaît le désarroi moral sous la triple influence d'un amour malheureux, de l'alcoolisme et de Baudelaire (Poèmes saturniens, 1866; Fêtes galantes, 1869). Après une période d'apaisement (la Bonne Chanson, 1870), la rencontre de Rimbaud bouleverse sa vie. Il retrouve la foi catholique (Sagesse, 1881) et son énergie créatrice, et réclame une poésie plastique et musicale (Jadis et naguère, 1884). Devenu, malgré lui, le chef de l'école "décadente", il fait connaître les Poètes maudits (1884), puis erre de garnis en hôpitaux en publiant de petits recueils de circonstances (Parallèlement, 1889; Invectives, 1896).

 

 

Femme et Chatte

Elle jouait avec sa chatte,
Et c'était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S'ébattre dans l'ombre du soir.

Elle cachait - la scélérate! -
Sous ses mitaines de fil noir
Ses meurtriers ongles d'agate,
Coupants et clairs comme un rasoir.

L'autre aussi faisait la sucrée
Et rentrait sa griffe acérée,
Mais le diable n'y perdait rien...

Et, dans le boudoir où, sonore,
Tintait son rire aérien
Brillaient quatre points de phosphore.
Paul Verlaine

 

Les chats de William Butler Yeats

Biographie sommaire

YEATS BUTLER WILLIAM , écrivain irlandais, né à Sandymount, près de Dublin (1865-1939), 'auteur d'essais, de poèmes et de drames (la Comtesse Cathleen, 1892; Deirdre, 1907), inspirés de l'esprit national. (Prix Nobel, 1923.)

 

Le chat et la lune

Le chat s'en allait ça et là,
La lune tournait comme une toupie,
Le plus proche parent de la lune,
Le chat rampant, leva les yeux.
Minnaloushe rampe dans l'herbe
De flaque de lune en flaque de lune,
Et là-haut la lune sacrée
Commence une phase nouvelle.
Minnaloushe a-t-il conscience
Que ses prunelles changent sans cesse,
Qu'elles vont du cercle au croissant,
Pour aller du croissant au cercle ?
Minnaloushe rampe dans l'herbe,
Solitaire, sage, important,
Levant vers la lune changeante
Ses yeux changeants.

William Butler Yeats

 

 

 

 

Je souhaite dans ma maison
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi mes livres,
Sans lesquels je ne peux vivre.

Guillaume Apollinaire, Le poète assassiné

 

 

 

 

 

 


Evelyne Nicod, 1998

 

'Antiquité classique ignore le chat ou n'y trouve aucun sujet d'inspiration; les Romains et les Grecs ne semblent pas non plus être ses complices. Le Moyen Âge le maltraite en l'associant aux puissances du mal. C'est au temps de Plutarque, au XIVe siècle, de Du Bellay et de Montaigne au XVIe siècle, que le chat entre dans la poésie. Les chats sont alors des gardiens tout autant que des muses pour les poètes et les écrivains.

 

 

n effet, les chats gardaient jalousement les manuscrits de leurs maîtres et les protégeaient de la curiosité des rongeurs. Il paraît que Dante aurait appris à son chat noir à tenir chaque nuit une bougie allumée entre ses pattes... Le chat devient donc indispensable à l'écrivain, il sert à la fois de muse et d'essuie-plume!

 

 

e n'est toutefois pas avant le siècle de Voltaire et de Rousseau que le chat va connaître son heure de gloire en poésie. Dans les salons littéraires, les femmes chantent ses louanges. Cent ans plus tard, l'engouement du chat grandissant, il fait son entrée dans le cercles des grands poètes, de Victor Hugo à Lamartine et Alfred de Musset à Verlaine et Guillaume Apolinaire en passant par Beaudelaire.

 

 

 

u XIXe siècle, Théophile Gauthier invite son chat Dom Pierrot de Navarre à participer, par petits cris, aux conversations littéraires. Stéphane Mallarmé ne cesse d'embrasser le nez rose de son chat Neige qui "efface ses vers avec sa queue!" Pierre Loti fait imprimer des cartes de visites ainsi libellées: "Mme Moumoutte blanche, première chatte chez M. Pierre Loti".

e XXe siècle lui connaît aussi des protagonistes : Jacques Prévert, Maurice Carême, Jean Cocteau, François Coppée et bien sûr, celle qui disait qu'il n'y avait pas de "chat ordinaire", Colette.

 

 

 

Le chat et le soleil, Maurice Carême

Le chat ouvrit les yeux
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux
Le soleil y resta.
Voilà pourquoi le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.



Evelyne Nicod, 1998

 

 

 


La fleur, Chats de Paris, Colette

Oh! La jolie fleur dans la vitrine!
Oui c'est un petit pavot blanc.
Je ne vous parle pas des petits pavots, je vous montre la fleur d'en bas, tachetée de clair et de sombre, veloutée, avec deux gouttes de rosée qui brillent, et de grandes étamines blanches pointues...
Tiens je me trompais, ce n'est pas une fleur, c'est un chat...

 


n poésie, la magie du chat imprègne de nombreux thèmes. Ou encore, le corps "élastique" du chat que l'on caresse à loisir suggère l'image de la sensualité. Dans l'esprit des poètes, chat et femme sont associés, et la vue de l'un comme de l'autre suscite émotion et lyrisme.

ette ressemblance entre le chat et les femmes est présente dans de nombreux ouvrages. La fable de La Fontaine intitulée "La Chatte métamorphosée en femme" manifeste la profonde admiration d'un homme pour sa chatte : "il la trouvait mignonne, et belle, et délicate"… si bien qu'un beau matin, la chatte devient femme!

ualité, intuition, mystère, sensualité, douceur sont des thèmes qui nourrissent le rapprochement entre femme et chat dans l'imaginaire des poètes. Nul mieux que Beaudelaire n'a su illustrer ce rapprochement dans l'un de ses poèmes des Fleurs du mal.





Henri Turin

 

 



Léonor Fini


Le Chat, Beaudelaire

Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d’agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et des pieds jusqu'à la tête
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.

 


t puisque félinité se confond avec féminité, certains auteurs, comme Paul Verlaine, se délecte du spectacle qu'offre la complicité entre le chat et la femme.

 

Femme et chatte, Verlaine (extrait)

 

Elle jouait avec sa chatte,
Et c'était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S'ébattre dans l'ombre du soir. 

 

outefois, le chat, doté de qualités féminines n'apparaît pas forcément comme tel dans l'esprit des femmes… Au contraire, il peut refléter le visage du mari. Ainsi, dans "Peines de coeur d'une chatte anglaise", Honoré de Balzac écrit que "beaucoup de femmes, et des plus aristocratiques, disaient toujours "Mon petit chat" à leurs maris, même quand elle ne les aimaient pas." (!!)

is à part les poètes, il est vrai qu'au cours des siècles le chat et la femme ont toujours été des amis. De Mme d'Armentières qui fit arrêter la coutume des bûchers de Metz, à Mme de Staël qui, incarcérée sur ordre de Napoléon, se consolait dans sa cellule avec une chatte: les exemples abondent! Ce n'est pas un hasard si l'élevage félin rassemble une majorité de femmes…

 

 

 

 

 

Les Contes de Charles Perrault

Le Maître chat ou le chat botté

Un meunier ne laissa pour tous biens, à trois enfants qu'il avait, que son moulin, son âne et son chat. Les partages furent bientôt faits : ni le notaire, ni le procureur n'y furent point appelés. Ils auraient eu bientôt mangé tout le pauvre patrimoine. L'aîné eut le moulin, le second eut l'âne, et le plus jeune n'eut que le chat. Ce dernier ne pouvait se consoler d'avoir un si pauvre lot :

"Mes frères, disait-il, pourront gagner leur vie honnêtement en se mettant ensemble ; pour moi, lorsque j'aurai mangé mon chat, et que je me serai fait un manchon de sa peau, il faudra que je meure de faim. "

Le Chat, qui entendait ce discours, mais qui n'en fit pas semblant, lui dit d'un air posé et sérieux :

"Ne vous affligez point, mon maître, vous n'avez qu'à me donner un sac et me faire faire une paire de bottes pour aller dans les broussailles, et vous verrez que vous n'êtes pas si mal partagé que vous croyez."

Quoique le maître du Chat ne fît pas grand fond là-dessus, il lui avait vu faire tant de tours de souplesse pour prendre des rats et des souris, comme quand il se pendait par les pieds, ou qu'il se cachait dans la farine pour faire le mort, qu'il ne désespéra pas d'en être secouru dans la misère.

Lorsque le Chat eut ce qu'il avait demandé, il se botta bravement, et, mettant son sac à son cou, il en prit les cordons avec ses deux pattes de devant, et s'en alla dans une garenne où il y avait grand nombre de lapins. Il mit du son et des laiterons dans son sac, et s'étendant comme s'il eût été mort, attendit que quelque jeune lapin, peu instruit encore des ruses de ce monde, vînt se fourrer dans son sac pour manger ce qu'il y avait mis. A peine fut-il couché, qu'il eut contentement : un jeune étourdi de lapin entra dans son sac, et le maître Chat, tirant aussitôt les cordons, le prit et le tua sans miséricorde.

Tout glorieux de sa proie, il s'en alla chez le roi et demanda à lui parler. On le fit monter à l'appartement de Sa Majesté, où étant entré, il fit une grande révérence au roi, et lui dit :

" Voilà, sire, un lapin de garenne que monsieur le marquis de Carabas (c'était le nom qu'il lui prit en gré de donner à son maître) m'a chargé de vous présenter de sa part.

- Dis à ton maître, répondit le roi, que je le remercie et qu'il me fait plaisir. "

Une autre fois, il alla se cacher dans un blé, tenant toujours son sac ouvert, et lorsque deux perdrix y furent entrées, il tira les cordons et les prit toutes deux. Il alla ensuite les présenter au roi, comme il avait fait du lapin de garenne. Le roi reçut encore avec plaisir les deux perdrix, et lui fit donner boire.

Le Chat continua ainsi, pendant deux ou trois mois, à porter de temps en temps au roi du gibier de la chasse de son maître. Un jour qu'il sut que le roi devait aller à la promenade, sur le bord de la rivière, avec sa fille, la plus belle princesse du monde, il dit à son maître :

"Si vous voulez suivre mon conseil, votre fortune est faite : vous n'avez qu'à vous baigner dans la rivière, à l'endroit que je vous montrerai, et ensuite me laisser faire. "

Le marquis de Carabas fit ce que son chat lui conseillait, sans savoir à quoi cela serait bon. Dans le temps qu'il se baignait, le roi vint à passer, et le Chat se mit à crier de toute ses forces :

"Au secours ! au secours ! voilà monsieur le marquis de Carabas qui se noie ! "

A ce cri, le roi mit la tête à la portière, et, reconnaissant le Chat qui lui avait apporté tant de fois du gibier, il ordonna à ses gardes qu'on allât vite au secours de monsieur le marquis de Carabas.

Pendant qu'on retirait le pauvre marquis de la rivière, le Chat s'approcha du carrosse et dit au roi, que dans le temps que son maître se baignait, il était venu des voleurs qui avaient emporté ses habits, quoiqu'il eût crié au voleur ! de toute ses forces ; le drôle les avait cachés sous une grosse pierre.

Le roi ordonna aussitôt aux officiers de sa garde-robe d'aller quérir un de ses plus beaux habits pour monsieur le marquis de Carabas. Le roi lui fit mille caresses, et comme les beaux habits qu'on venait de lui donner relevaient sa bonne mine (car il était beau et bien fait de sa personne), la fille du roi le trouva fort à son gré, et le marquis de Carabas ne lui eut pas jeté deux ou trois regards, fort respectueux et un peu tendres, qu'elle en devint amoureuse à la folie.

Le roi voulut qu'il montât dans son carrosse et qu'il fût de la promenade. Le Chat, ravi de voir que son dessein commençait à réussir, prit les devants, et ayant rencontré des paysans qui fauchaient un pré, il leur dit :

"Bonnes gens qui fauchez, si vous ne dites au roi que le pré que vous fauchez appartient à monsieur le marquis de Carabas, vous serez tous hachés menu comme chair à paté."

Le roi ne manqua pas à demander aux faucheurs à qui était ce pré qu'il fauchaient :

"C'est à monsieur le marquis de Carabas ", dirent-ils tous ensemble, car la menace du chat leur avait fait peur.

"Vous avez là un bel héritage, dit le roi au marquis de Carabas.

- Vous voyez, sire, répondit le marquis ; c'est un pré qui ne manque point de rapporter abondamment toutes les années."

Le maître Chat, qui allait toujours devant, rencontra des moissonneurs et leur dit :

"Bonnes gens qui moissonnez, si vous ne dites que tous ces blés appartiennent à monsieur le marquis de Carabas, vous serez tous hachés menu comme chair à paté."

Le roi, qui passa un moment après, voulut savoir à qui appartenaient tous les blés qu'il voyait.

"C'est à monsieur le marquis de Carabas ", répondirent les moissonneurs ; et le roi s'en réjouit encore avec le marquis. Le Chat, qui allait devant le carrosse, disait toujours la même chose à tous ceux qu'il rencontrait, et le roi était étonné des grands biens de monsieur le marquis de Carabas.

Le maître Chat arriva enfin dans un beau château, dont le maître était un ogre, le plus riche qu'on ait jamais vu ; car toutes les terres par où le roi avait passé étaient de la dépendance de ce château.

Le Chat, qui eut soin de s'informer qui était cet ogre et ce qu'il savait faire, demanda à lui parler, disant qu'il n'avait pas voulu passer si près de son château sans avoir l'honneur de lui faire la révérence. L'ogre le reçut aussi civilement que le peut un ogre et le fit reposer.

"On m'a assuré, dit le Chat, que vous aviez le don de vous changer en toutes sortes d'animaux ; que vous pouviez, par exemple, vous transformer en lion, en éléphant.

- Cela est vrai, répondit l'ogre brusquement, et, pour vous le montrer, vous m'allez voir devenir lion. "

Le Chat fut si effrayé de voir un lion devant lui, qu'il gagna aussitôt les gouttières, non sans peine et sans péril, à cause de ses bottes, qui ne valaient rien pour marcher sur les tuiles.

Quelque temps après, le Chat, ayant vu que l'ogre avait quitté sa première forme, descendit et avoua qu'il avait eu bien peur.

"On m' assuré encore, dit le Chat, mais je ne saurais le croire, que vous aviez aussi le pouvoir de prendre la forme des plus petits animaux, par exemple de vous changer en un rat, en une souris ; je vous avoue que je tiens cela tout à fait impossible.

- Impossible ! reprit l'ogre ; vous allez voir. "

Et en même temps il se changea en une souris, qui se mit à courir sur le plancher. Le Chat ne l'eut pas plus tôt aperçue, qu'il se jeta dessus et la mangea.

Cependant le roi, qui vit en passant le beau château de l'ogre, voulut entrer dedans.

Le Chat, qui entendit le bruit du carrosse, qui passait sur le pont-levis, courut au-devant et dit au roi :

"Votre Majesté soit la bienvenue dans ce château de monsieur le marquis de Carabas !

- Comment, monsieur le marquis, s'écria le roi, ce château est encore à vous ! il ne se peut rien de plus beau que cette cour et que tous ces bâtiments qui l'environnent ; voyons les dedans, s'il vous plait. "

Le marquis donna la main à la jeune princesse, et suivant le roi, qui montait le premier, ils entrèrent dans une grande salle, où ils trouvèrent une magnifique collation que l'ogre avait fait préparer pour ses amis, qui le devaient venir voir ce même jour-là, mais qui n'avaient pas osé entrer, sachant que le roi y était.

Le roi, charmé des bonnes qualités de monsieur le marquis de Carabas, de même que sa fille, qui en était folle, et voyant les grands biens qu'il possédait, lui dit, après avoir bu cinq ou six coups :

"Il ne tiendra qu'à vous, monsieur le marquis, que vous ne soyez mon gendre. "

Le marquis, faisant de grandes révérences, accepta l'honneur que lui faisait le roi, et, dès le même jour, il épousa la princesse, Le Chat devint le grand seigneur, et ne courut plus après les souris que pour se divertir.

MORALITE

Quelque grand que soit l'avantage
De jouir d'un riche héritage
Venant à nous de père en fils,
Aux jeunes gens, pour l'ordinaire,
L'industrie et le savoir-faire
Valent mieux que des biens acquis.

AUTRE MORALITE

Si le fils d'un meunier, avec tant de vitesse,
Gagne le coeur d'une princesse,
Et s'en fait regarder avec des yeux mourants ;
C'est que l'habit, la mine et la jeunesse,
Pour inspirer de la tendresse,
N'en sont pas des moyens toujours indifférents.

 

Molière

 

 

Sources :
Charles PERRAULT, Contes de ma mère l'oye, Folio Junior,1999.
François-René de CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, LGF, Classique de poche, 2001
Théophile GAUTIER, La ménagerie intime, Aniwa publishing, Collection Plumes de chats, 2003
Emile ZOLA, Le paradis des chats et autres nouveaux contes à Ninon, Sabier, 2005
Emile ZOLA, Thérèse Raquin, Pocket, 2006
Guy de MAUPASSANT, Contes et nouvelles, Tome 2 : avril 1884-1893, Gallimard, 1979
Sidonie Gabrielle COLETTE, La paix chez les bêtes, LGF, Livre de poche, 1996
Sidonie Gabrielle COLETTE, Douze dialogues de bêtes, Mercure de France, 1964
Marcel AYME, Les contes du chat perché, Gallimard, Collection Folio, 1973
Boris VIAN, Blues pour un chat noir, LGF, Collection Libretti, 2002
Michel TOURNIER, Célébrations, Mercure de France, Collection Folio, 1999 et 2000.

 

LE CHAT NOIR

de Edgar Allan Poe

1843


Au récit le plus fou et pourtant le plus banal que je m’apprête à écrire, je n’attends ni ne demande nulle créance. Je serais fou de m’y attendre, dans une affaire où mes sens eux-mêmes réfutent leur propre témoignage. Pourtant, je ne suis pas fou et je ne rêve sûrement pas. Mais si demain je meurs, aujourd’hui je voudrais libérer mon âme de ce fardeau. Mon premier objectif est de présenter au monde, simplement, succintement, et sans commentaires, une série de simples événements domestiques. Dans leurs conséquences, ces événements m’ont terrifié, torturé, détruit. Je n’essaierai pourtant pas de les expliquer. Pour moi, ils n’ont été qu’horribles, pour beaucoup ils sembleront plus baroques qu’effrayants. Après, peut-être, il se trouvera des esprits qui réduiront mon fantasme à des choses ordinaires - des esprits plus calmes, plus logiques, et beaucoup moins excitables que le mien, qui percevront, dans les circonstances que je détaille avec effroi, rien de plus qu’une succession ordinaire de causes et d’effets très naturels.

Depuis mon enfance, je me fis remarquer par ma docilité et l’humanité de mon caractère. La tendresse de mon coeur était même si manifeste qu’elle fut l’objet des railleries de mes camarades. J’étais particulièrement amoureux des animaux, et mes parents m’offrirent une grande variété d’animaux de compagnie. Je passais avec eux la plus grande partie de mn temps, et rien ne me procurait plus de bonheur que de les nourrir et de les caresser. Ce trait de mon caractère s’affirma avec l’âge, et dans ma vie d’homme, j’en tirai une de mes principales sources de plaisir. A ceux qui ont nourri une affection pour un chien fidèle et sagace, je n’ai nul besoin d’expliquer la nature ou l’intensité de la gratification que l’on peut en tirer. Il y a quelque chose dans l’amour désintéressé et auto-sacrificiel d’une bête, qui va directement au coeur de celui qui a eu fréquemment l’occasion de tester l’amitié mesquine et la fragile fidélité de l’Homme simple.

Je me mariai jeune, et fus heureux de trouver en ma femme un caractère qui n'était pas incompatible avec le mien. Remarquant mon penchant pour les animaux domestiques, elle ne manqua pas d’en acquérir certains des plus charmants. Nous eumes des oiseaux, des poissons rouges, des lapins, un petit singe, et un chat.

Ce dernier était un chat remarquablement grand et beau, tout noir, et intelligent au plus haut point. En parlant de son intelligence, ma femme, qui de coeur n’était pas peu supertitieuse, faisait souvent allusion à l’ancien dicton populaire, qui faisait de tous les chats noirs des sorciers déguisés. Elle ne prenait pas toujours cela au sértieux; je note ceci à la seule fin qu’on s’en souvienne.

Pluton, le chat s’appelait ainsi, était mon animal et mon compagnon de jeu préféré. Moi seul le nourissais, et il me suivait partout où j’allas dans la maison. C’est même avec difficulté que je l’empêchais de me suivre dans la rue.
Notre amitié dura, de cette façon, durant plusieurs années, durant lesquelles mon tempérament général et mon caractère, qui furent les instruments du Démon de l’intempérance, avaient subi, je rougis de l’avouer, une altération radicale pour le pire. Je devins de jour en jour d’humeur plus changeante, plus irritable, plus indifférent aux sentiments des autres. Je souffris moi-même d’user d’un langage grossier envers ma femme. A la longue, j’usai même envers elle de violence physique. Mes animaux, bien sûr, se rendirent compte bientôt du changement de mon caractère. Je ne fis pas que les négliger mais les maltraitai également. Cependant, je gardai assez d’attention envers Pluton pour m’empêcher de le maltraiter, alors que je n’avais aucun scrupule à maltraiter les lapins, le singe, ou même le chien, quand par accident, ou par affection, ils croisaient mon chemin. Mais ma maladie prit possession de moi (y’a-t-il pire maladie que l’alcoolisme!) et à la longue, même Pluton, qui devenait vieux alors, ce qui le rendait un peu grincheux, même Pluton se mit à souffrir des effets de mon mauvais caractère.
Une nuit, revenant chez moi, très soûl, de l’un de mes repaires en ville, j’imaginai que le chat évitait ma présence. Je l’attrapai, lorsque, effrayé poar ma violence, il m’infligea une légère blessure sur la main avec ses dents. La furie d’un démon s’empara aussitôt de moi. Je ne me contrôlai plus. Mon âme originelle sembla, tout d’un coup, s’envoler de mon corps; et une cruauté diabolique et imbibée de gin fit trembler chaque fibre de mon corps. Je sortis mon canif de la poche de mon gilet, le dépliai, me saisis de la pauvre bête par la gorge, et délibérément je lui arrachai un oeil de ses yeux de son orbite! Je rougis, je brûle, je frissonne, tandis que je relate cette condamnable atrocité.

Lorsque, au matin, je repris mes esprits - quand le sommeil eut chassé les vapeurs d’une nuit de débauche - je ressentis une sensation mêlée d’horreur, de remords pour le crime dont je m’étais rendu coupable; mais c’était, au mieux, un sentiument diffus et équivoque, et l’âme restait indemne. Je me replongeai dans l’excès, et noyai bientôt dans le vin tout souvenir de cet acte.

Pendant ce temps le chat guérissait lentement. L’orbite de son oeil perdu présentait, il est vrai, un aspect effrayant, mais il ne semblait plus en souffrir. Il revint à la maison comme d’habitude, mais, comme il fallait s’y attendre, il fuyait à ma vue avec une extrême terreur. Il restait assez de mon vieux coeur, pour me sentir d’abord affligé par l’évidente antipathie que me témoignait la créature qui m’avait autant aimé auparavant. Mais ce sentiment fit bientôt place à l’irritation. Puis vint, comme pour ma chute finale et irréversible, l’esprit de la PERVERSITE. De cet esprit la philosophie ne fait pas état. Pourtant je ne suis pas plus sûr du fait que mon âme vit, que du fait que la perversité est une des pulsions primitives du coeur humain, une des indivisibles facultés premières, ou sentiments premiers, qui orientent le caractère de l’Homme. Qui ne s’est pas trouvé, une centaine de fois, en train de commettre, une action vile ou stupide, pour nulle autre raison qu’il ne devrait pas pas la commettre? N’avons-nous pas une inclination perpétuelle, dans les fondements de notre propre jugement, à violer ce qui représente la Loi, justement parce que nous la reconnaissons être telle? Cet esprit de perversité, vous dis-je, causa ma chute finale. C’était cet insondable désir de l’âme à se contrarier elle-même, à faire violence à sa propre nature, à faire le mal pour l’amour du mal, qui me poussa à continuer et finalement a à achever la blessure que j’avais infligée à cette bête inoffensive. Un matin, de sang froid, je glissai une corde à son cou et de le pendre à la branche d’un arbre; je l’ai pendu parce que je savais qu’il m’avait aimé, et parce que je n’avais aucune raison de l’offenser; je l’ai pendu parce que je savais qu’en agissant ainsi, je commettais un péché, un péché mortel qui compromettrait mon âme immortelle à tel point que, si une telle chose était possible, qu’elle la mettrait hors d’atteinte de la pitié infinie du Dieu le plus miséricordieux et le plus terrible.

La nuit du jour où cet acte cruel fut commis, je fus sorti de mon sommeil par le cri du feu. Les rideaux de mon lit étaient en feu. La maison entière flambait. C’est avec grande difficulté que ma femme, un domestique, et moi-même, nous fûyames de la déflagration. La destruction était totale. Toutes mes richesses sur terre furent détruites, et je m’abandonnai tout entier au déésespoir.
Je ne m’abaisse pas à chercher une relation de cause à effet, entre le désastre et l’atrocité. Mais je détaille un enchaînement de faits et ne souhaite pas omettre un possible lien. Je visitai les ruines. Les murs, à l’exception d’un seul, s’étaient écroulés. Cette exception consistait en une cloison, pas très épaisse, qui se tenait environ au milieu de la maison, et contre laquelle était appuyée la tête de mon lit. A cet endroit, le plâtre avait en grande mesure résisté à l’action du feu, un fait que j’attribuai au fait qu’il avait été appliqué récemment. Autour de ce mur une foule dense s’tait rassemblée, et beaucoup de personnes semblaient en examiner une portion particulière avec la plus fine et grande attention. Les mots « étrange! », « singulier! » et autres expressions similaires, excitèrent ma curiosité. Je m’approchai et vis, comme ce cela avait été gravé en bas relief sur la surface blanche, la sihouette d’un chat gigantesque. L’impression était rendue avec une précision vraiment extraordinaire. Il y avait une corde autour de l’animal.

Quand je vis cette apparition , car je ne pouvais pas la considérer autrement, mon émerveillement et ma terreur étaient extrêmes. Mais une mûre réflexion me vint en aide. Le chat, me souvins-je, avait été pendu dans un jardin adjacent à la maison. A l’alarme du feu, ce jardin avait aussitôt rempli par la foule; l’une des personnes avait dû détacher le chat de l’arbre et le jeter dans ma chambre, à travers une fenêtre ouverte. Ceci avait du être fait dans le but de me sortir de mon sommeil. La chute des autres murs avaient comprimé la victime de ma cruauté dans le plâtre fraîchement étalé; avec les flammes, la chaux et l’amoniac de la carcasse avaient alors accompli le portrait que je voyais.

Bien que j’ai volontiers eu recours à ma raison, si ce n’est à ma conscience, pour rendre compte de ces faits surprenants, ils n’en ont pas moins laissé une forte impression sur mon imagination. Pendant des mois je ne pus me débarasser de l’image du chat; et, durant cette période, un demi-sentiment me revint à l’esprit qui semblait être, mais n’en était pas, du remords. J’en vins au point de regretter la perte de l’animal, et de chercher autour de moi, parmi les lieux vils que je fréquentais alors habituellement, un autre animal de la même espèce, et plus ou moins de la même apparence, pour le remplacer.

Une nuit, tandis que j’étais assis, à moitié hébété, dans un antre plus qu’infâme, mon attention fut soudain attiré par un objet noir, reposant au sommet d’une de ces immenses barriques de Gin, ou de Rhum, qui constituaient le principal mobiler du lieu. Je regardais fixement le sommet de cette barrique depuis quelques minutes, et je fus surpris par le fait que je n’avais pas plus tôt aperçu l’objet qui se trouvait dessus. Je m’en approchai, et le touchai avec la main. C’était un chat noir, un très grand chat, largement aussi grand que Pluton, et lui ressemblant beaucoup excepté une chose. Pluton n’avait pas un poil blanc sur aucune partie de son corps; alors que ce chat avait une tache de blanc imprécise qui recouvrait presque toute sa poitrine.

Quand je le touchai, il se leva aussitôt, ronronna bruyamment, se frottant contre ma main, et eut l’air ravi de mon attention. Là se trouvait la créature que je recherchais. Je demandai tout de suite au propriétaire de l’acheter; mais celui-ci n’en demandait rien, il ne savait rien de lui et ne l’avait jamais vu.

Je continuai à le caresser et, quand je m’apprêtai à rentrer chez moi, l’animal manifesta l’envie de m’accompagner. Je lui permis de le faire et me baissais pour le caresser tout en avancant. Quand il arriva chez moi, il se laissa domestiquer tout de suite, et devin aussitôt un des animaux favoris de ma femme.

Pour ma part, je sentis bientôt naître en moi une aversion à son égard. Il se produisait exactement le contraire de ce que j’avais prévu; mais je ne sais pas coment ni pourquoi cela se produisait: son amour évident pour moi ne faisait que me dégoûter et m’ennuyer. Peu à peu, ces sentiments de dégoûts et d’ennui se transformèrent en une haine amère. J’évitais la créature; une certaine honte, ainsi que le souvenir de mon précédent acte de cruauté m’empêchèrent de me prendre à lui physiquement. pendant des semaines, je ne le frappai pas, ou en aucune sorte je ne l’agressai violemment; mais petit à petit, insensiblement, je me mis à ressentit pour lui un indicible mépris, et silencieusement, à fuir comme la peste son odieuse présence.

Ce qui ajoutait sans doute à ma haine de la bête, ce fut la découverte, alors que je rentrai chez moi un matin, qu’il lui manquait un oeil comme Pluton. Mais ce détail le rendait encore plus cher aux yeux de ma femme qui, comme je l’ai déjà dit, possédait, au plus haut ddegré, cette humanité de sentiment qui fut jadis mon trait distinctif, et la source de mes plaisirs les plus simples et les plus purs.

Mais, contrairement à mon aversion pour ce chat, son penchant pour moi sembla grandir. Il suivit chacun de mes pas avec une opiniâtreté qu’il serait difficile de faire comprendre au lecteur. Quand je m’asseyais, il s’allongeait sous ma chaise, ou me couvrant de ses infâmes caresses. Si je me levais pour marcher il se mettait entre mes jambes, me faisant presque tomber, ou, plantant ses longues griffes acérés dans mon habit, ils grimpait sur ma poitrine. Lors de ces moments-là, bien que j’avais envie de le détruire d’un coup, je me retenais de le faire, en partie à cause du souvenir de mon crime précédent, mais surtout, il faut que je vous l’avoue, par peur absolue de la bête.

Cette peur n’était pas tout à fait une peur du diable; pourtant je serais bien en peine de la définir autrement. J’ai presuqe honte d’avouer (oui, dans ma cellule de prisonnier, j’ai presque honte d’avouer) que la terreur et l’horreur que l’animal m’inspirait, était amplifiée par une des chimères les plus simples qu’il fût possible de concevoir. Ma femme avait attiré mon attention, plus d’une fois, sur la marque de poils blancs dont j’ai parlée, et qui constituait la seule différence visible entre l’étrange bête et celle que j’avais détruite. Le lecteur se rappellera que cette marque, bien que large, était à l’origine très imprécise; mais, lentement, presuqe imperceptiblement, et que ma Raison rejeta longtemps comme pure imagination, celle-ci prit, à la longue, un contour de plus en plus net et précis. A présent elle représentait un objet que je n’ose nommer; ceci, surtout, que je haïssais, que je craignais, ce monstre dont je me serais débarassé si j’avais osé, c’était maintenant, vous dis-je, l’image hideuse, horrible de la POTENCE! Oh, terrible et lugubre machine de l’Horreur et du Crime, de l’Agonie et de la Mort!

Et alors j’étais vraiment misérable parmi les plus misérables de l’Humanité! Et une bête, dont j’avais détruit avec mépris le compagnon, une bête était pour moi, un homme façonné à l’image de Dieu, était la cause de tant de malheur intolérable! Hélas! ni le jour, ni la nuit, ne connus-je plus la bénédiction du Repos! Durant le jour, la créture ne me laissa plus de répit et durant la nuit, je me mis, chaque heure, à partir de rêves de frayeur indicible, à sentir le souffle chaud de la chose sur mon visage, et son poids énorme; un Cauchemar incarné dont je n’avais nul pouvoir de me libérer, pesant éternellement sur mon coeur!
Sous la pression de tels tourments, la faible part du bien en moi succomba. Des pensées infernales devinrent mes seules compagnes, les pensées les plus sombres et les plus diaboliques. Mon humeur habituellement changeante se transforma en haine de toutes choses et de l’humanité entière; tandis que, des soudains, fréquents et incontrôlables accès de furie auxquels je m’abandonnai aveuglément, ma femme, sans se plaindre, était la la plus fréquente et la plus patiente victime.

Un jour elle m’accompagna, pour une course domestique, dans la cave du vieux bâtiment que notre pauvreté nous obligeait à habiter. Le chat me suivit sur les marches raides et en me renversant presque, me rendit fou de colère. Soulevant une hache, et oubliant, dans ma colère, la peur puérile qui avait jusqu’ici retenu ma main, je portai un coup à l’animal qui, bien sûr, aurait été instantanément fatal s’il avait été porté comme prévu. Mais ce coup fut arrêté par la main de ma femme. Aiguillonné à cause de l’intrusion, dans une rage encore plus démoniaque, je retirai mon bras de sa prise et enfonçai la hâche dans son crâne. Elle tomba morte sur le sol, sur place, sans une plainte.

Ce meurtre hideux accompli, je me mis sur-le-champ, et avec une implication complète, à la tâche de cacher le corps. Je savais que je ne pouvais le sortir de la maison, de jour ou de nuit, sans prendre le risque d'être vu par les voisins. De nombreuses idées me passèrent par l'esprit. Un instant, je pensai à couper le cadavre en petits morceaux et à les détruire par le feu. L'instant d'après, je résolus de creuser une tombe dans le sol de la cave pour l'y enterrer. Puis, je pensai à le cacher dans le puits du jardin, à l'empaqueter dans une boîte, comme une marchandise, avec les dispositions habituelles, et de faire appel à un porteur pour le faire partir de la maison. Finalement je décidai d'un meilleur expédient que tout ceci. Je choisis de l'emmurer dans la cave, comme, raconte-t-on, les moines emmuraient leurs victimes.

Pour un tel objectif, la cave était bien adaptée. Ses murs étaient mal construits, et avaient été récemment plâtrés avec un plâtre de mauvaise qualité, que l'humidité de l'air avait empêché de durcir. De plus, il y avait une représentation dans un des murs, due à une fausse cheminée, ou un âtre, que l'on avait comblée et avait fait ressembler au reste de la cave. Je ne doutais pas de pouvoir la déplacer, d'y insérer le cadavre, et d'emmurer le tout comme avant, sans qu'un regard n'y puisse rien déceler de suspect.

En faisant ce calcul, je ne fus pas déçu. Au moyen d'un pied-de-biche, je délogeai facilement les briques et, ayant prudemment déposé le corps contre le mur intérieur, je le calai dans cette position, tandis que, sans grande peine, je remettai en place toute la structure telle qu'elle était au départ. Ayant ajouré du mortier, du sable, de la paille, avec toutes les précautions possibles, je préparai du plâtre de façon à ce que chaque poss ne puisse être distingué du précédent, et avec celui-ci je recouvrai soigneusement le nouveau mur de briques. Quand j'eus fini, je fus satisfait de ce bon travail. Le mur ne présentait pas la moindre trace d'avoir été disturbed. Les déchets par terre furent ramassés avec le plus grand soin. Je regardai autour de moi d'un air triomphant, et me dis à moi-même: "Ici au moins, mon travail n'a pas été en vain."

Ma prochaine tâche fut de rechercher la bête qui avait été la cause de tant d'infortune; car j'avais, finalement, fermement résolu de le mettre à mort. Si j'avais pu le rencontrer, à ce moment-là, son sort aurait été sans doute scellé; mais il apparaissait que cet animal rusé avait été alarmé par la violence de ma colère précédente, et redoutait d'affronter mon humeur actuelle. Il est impossible de décrire, ou d'imaginer, l'impression profonde d'extase qu'occasionnait dans mon poitrine l'absence de la créature détestée. Il n'apparut pas de la nuit, et ainsi, pour au moins une nuit, depuis son apparition dans la maison, je dormis sur mes deux oreilles et paisiblement; oui! je dormis avec le fardeau du meurtre sur la conscience!

Le second et le troisième jours passèrent, et mon toumenteur ne se montra pas. Je respirai à nouveau comme un homme libre. Le monstre, terrifié, avait quitté les lieux pour toujours! Je ne le verrais plus jamais! Mon bonheur était suprême! La culpabilité de mon acte monstrueux ne m'avait que peu perturbé. Quelques enquêtes avaient été menées, mais ces dernières avaient été aussitôt résolues. Une perquisition avait même été faite, mais bien sûr, rien n'avait été découvert. Je considérai ma future félicité comme une chose acquise.

Le quatrième jour après l'assassinat, un groupe de policiers se présenta, de façon très inattendue, dans la maison, et inspecta de nouveau les lieux avec une rigoureuse attention. Les officiers me demandèrent de les accompagner dans leur recherche. Ils ne laissèrent aucun coin ni recoin inexplorés. Finalement, ils descendirent à la cave pour la troisième ou quatrième fois. Je ne bougeai pas un muscle. Mon coeur battait calmement comme celui de quelqu'un sûr de son innocence. Je marchai dans la cave de long en large. Je croisai les bras sur ma poitrine et errai ça et là. La police était entièrement satisfaite et se préparait à partir. La joie dans mon coeur était trop forte pour être retenue. Je brûlai de dire ne serait-ce qu'un mot, comme pour triompher, et de les rassurer doublement sur mon innocence.

"Messieurs," dis-je enfin, tandis que le groupe montait les marches, "je suis heureux d'avoir apaisé vos doutes. Je vous souhaite à tous la santé, et une plus grande courtoisie. En guise d'au-revoir, messieurs, c'est une maison très bien construite." (Dans le désir rageur de dire quelque chose avec facilité, je savais à peine ce que je prononçais.) Ces murs, vous partez, messieurs? ces murs sont solidement bâtis"; et ici, dans la simple frénésie de la bravade, je frappai lourdement de la main sur la partie même du mur en briques derrière laquelle se tenait le cadavre de ma femme bien-aimée.

Mais puisse Dieu me protéger et me délivrer des griffes du Malin! A peine la réverbération des coups s'était-elle tue, qu'une voix me répondit de l'intérieur de la tombe! Par un cri, d'abord assourdi et brisé, comme les sanglots d'un enfant, et se changeant rapidement en un cri continu, totalement anormal et inhumain, un hurlement, un cri strident et gémissant, à moitié d'horreur et moitié de triomphe, comme il aurait pu sortir seulement de l'enfer, conjointement des gorges des damnés dans leur agonie et des démons qui exultent dans la damnation.

De mes pensées il est folie de penser. Me pâmant, je chancelai sur le mur opposé. Un instant le groupe resta immobile sur les marches, figé de terreur et d'effroi. Ensuite, une dizaine de bras robustes défoncaient le mur. Il tomba bodily. Le cadavre, déjà grandement décomposé et coagulé de sang, se tenait debout devant les yeux des spectateurs. Sur la tête, avec une grande bouche rouge et l'oeil solitaire du feu, était assise l'hideuse bête dont la ruse m'avait incité au meurtre, et dont la voix m'avait condamné. J'avais emmuré le monstre dans la tombe!


THE BLACK CAT

by Edgar Allan Poe

1843


 

FOR the most wild, yet most homely narrative which I am about to pen, I neither expect nor solicit belief. Mad indeed would I be to expect it, in a case where my very senses reject their own evidence. Yet, mad am I not --and very surely do I not dream. But to-morrow I die, and to-day I would unburthen my soul. My immediate purpose is to place before the world, plainly, succinctly, and without comment, a series of mere household events. In their consequences, these events have terrified --have tortured --have destroyed me. Yet I will not attempt to expound them. To me, they have presented little but Horror --to many they will seem less terrible than baroques. Hereafter, perhaps, some intellect may be found which will reduce my phantasm to the common-place --some intellect more calm, more logical, and far less excitable than my own, which will perceive, in the circumstances I detail with awe, nothing more than an ordinary succession of very natural causes and effects.

From my infancy I was noted for the docility and humanity of my disposition. My tenderness of heart was even so conspicuous as to make me the jest of my companions. I was especially fond of animals, and was indulged by my parents with a great variety of pets. With these I spent most of my time, and never was so happy as when feeding and caressing them. This peculiar of character grew with my growth, and in my manhood, I derived from it one of my principal sources of pleasure. To those who have cherished an affection for a faithful and sagacious dog, I need hardly be at the trouble of explaining the nature or the intensity of the gratification thus derivable. There is something in the unselfish and self-sacrificing love of a brute, which goes directly to the heart of him who has had frequent occasion to test the paltry friendship and gossamer fidelity of mere Man.

I married early, and was happy to find in my wife a disposition not uncongenial with my own. Observing my partiality for domestic pets, she lost no opportunity of procuring those of the most agreeable kind. We had birds, gold fish, a fine dog, rabbits, a small monkey, and a cat.

This latter was a remarkably large and beautiful animal, entirely black, and sagacious to an astonishing degree. In speaking of his intelligence, my wife, who at heart was not a little tinctured with superstition, made frequent allusion to the ancient popular notion, which regarded all black cats as witches in disguise. Not that she was ever serious upon this point --and I mention the matter at all for no better reason than that it happens, just now, to be remembered.

Pluto --this was the cat's name --was my favorite pet and playmate. I alone fed him, and he attended me wherever I went about the house. It was even with difficulty that I could prevent him from following me through the streets.

Our friendship lasted, in this manner, for several years, during which my general temperament and character --through the instrumentality of the Fiend Intemperance --had (I blush to confess it) experienced a radical alteration for the worse. I grew, day by day, more moody, more irritable, more regardless of the feelings of others. I suffered myself to use intemperate language to my At length, I even offered her personal violence. My pets, of course, were made to feel the change in my disposition. I not only neglected, but ill-used them. For Pluto, however, I still retained sufficient regard to restrain me from maltreating him, as I made no scruple of maltreating the rabbits, the monkey, or even the dog, when by accident, or through affection, they came in my way. But my disease grew upon me --for what disease is like Alcohol! --and at length even Pluto, who was now becoming old, and consequently somewhat peevish --even Pluto began to experience the effects of my ill temper.

One night, returning home, much intoxicated, from one of my haunts about town, I fancied that the cat avoided my presence. I seized him; when, in his fright at my violence, he inflicted a slight wound upon my hand with his teeth. The fury of a demon instantly possessed me. I knew myself no longer. My original soul seemed, at once, to take its flight from my body; and a more than fiendish malevolence, gin-nurtured, thrilled every fibre of my frame. I took from my waistcoat-pocket a pen-knife, opened it, grasped the poor beast by the throat, and deliberately cut one of its eyes from the socket! I blush, I burn, I shudder, while I pen the damnable atrocity.

When reason returned with the morning --when I had slept off the fumes of the night's debauch --I experienced a sentiment half of horror, half of remorse, for the crime of which I had been guilty; but it was, at best, a feeble and equivocal feeling, and the soul remained untouched. I again plunged into excess, and soon drowned in wine all memory of the deed.

In the meantime the cat slowly recovered. The socket of the lost eye presented, it is true, a frightful appearance, but he no longer appeared to suffer any pain. He went about the house as usual, but, as might be expected, fled in extreme terror at my approach. I had so much of my old heart left, as to be at first grieved by this evident dislike on the part of a creature which had once so loved me. But this feeling soon gave place to irritation. And then came, as if to my final and irrevocable overthrow, the spirit of PERVERSENESS. Of this spirit philosophy takes no account. Yet I am not more sure that my soul lives, than I am that perverseness is one of the primitive impulses of the human heart --one of the indivisible primary faculties, or sentiments, which give direction to the character of Man. Who has not, a hundred times, found himself committing a vile or a silly action, for no other reason than because he knows he should not? Have we not a perpetual inclination, in the teeth of our best judgment, to violate that which is Law, merely because we understand it to be such? This spirit of perverseness, I say, came to my final overthrow. It was this unfathomable longing of the soul to vex itself --to offer violence to its own nature --to do wrong for the wrong's sake only --that urged me to continue and finally to consummate the injury I had inflicted upon the unoffending brute. One morning, in cool blood, I slipped a noose about its neck and hung it to the limb of a tree; --hung it with the tears streaming from my eyes, and with the bitterest remorse at my heart; --hung it because I knew that it had loved me, and because I felt it had given me no reason of offence; --hung it because I knew that in so doing I was committing a sin --a deadly sin that would so jeopardize my immortal soul as to place it --if such a thing were possible --even beyond the reach of the infinite mercy of the Most Merciful and Most Terrible God.

On the night of the day on which this cruel deed was done, I was aroused from sleep by the cry of fire. The curtains of my bed were in flames. The whole house was blazing. It was with great difficulty that my wife, a servant, and myself, made our escape from the conflagration. The destruction was complete. My entire worldly wealth was swallowed up, and I resigned myself thenceforward to despair.

I am above the weakness of seeking to establish a sequence of cause and effect, between the disaster and the atrocity. But I am detailing a chain of facts --and wish not to leave even a possible link imperfect. On the day succeeding the fire, I visited the ruins. The walls, with one exception, had fAllan in. This exception was found in a compartment wall, not very thick, which stood about the middle of the house, and against which had rested the head of my bed. The plastering had here, in great measure, resisted the action of the fire --a fact which I attributed to its having been recently spread. About this wall a dense crowd were collected, and many persons seemed to be examining a particular portion of it with every minute and eager attention. The words "strange!" "singular!" and other similar expressions, excited my curiosity. I approached and saw, as if graven in bas relief upon the white surface, the figure of a gigantic cat. The impression was given with an accuracy truly marvellous. There was a rope about the animal's neck.

When I first beheld this apparition --for I could scarcely regard it as less --my wonder and my terror were extreme. But at length reflection came to my aid. The cat, I remembered, had been hung in a garden adjacent to the house. Upon the alarm of fire, this garden had been immediately filled by the crowd --by some one of whom the animal must have been cut from the tree and thrown, through an open window, into my chamber. This had probably been done with the view of arousing me from sleep. The falling of other walls had compressed the victim of my cruelty into the substance of the freshly-spread plaster; the lime of which, had then with the flames, and the ammonia from the carcass, accomplished the portraiture as I saw it.

Although I thus readily accounted to my reason, if not altogether to my conscience, for the startling fact 'just detailed, it did not the less fall to make a deep impression upon my fancy. For months I could not rid myself of the phantasm of the cat; and, during this period, there came back into my spirit a half-sentiment that seemed, but was not, remorse. I went so far as to regret the loss of the animal, and to look about me, among the vile haunts which I now habitually frequented, for another pet of the same species, and of somewhat similar appearance, with which to supply its place.

One night as I sat, half stupefied, in a den of more than infamy, my attention was suddenly drawn to some black object, reposing upon the head of one of the immense hogsheads of Gin, or of Rum, which constituted the chief furniture of the apartment. I had been looking steadily at the top of this hogshead for some minutes, and what now caused me surprise was the fact that I had not sooner perceived the object thereupon. I approached it, and touched it with my hand. It was a black cat --a very large one --fully as large as Pluto, and closely resembling him in every respect but one. Pluto had not a white hair upon any portion of his body; but this cat had a large, although indefinite splotch of white, covering nearly the whole region of the breast.

Upon my touching him, he immediately arose, purred loudly, rubbed against my hand, and appeared delighted with my notice. This, then, was the very creature of which I was in search. I at once offered to purchase it of the landlord; but this person made no claim to it --knew nothing of it --had never seen it before.

I continued my caresses, and, when I prepared to go home, the animal evinced a disposition to accompany me. I permitted it to do so; occasionally stooping and patting it as I proceeded. When it reached the house it domesticated itself at once, and became immediately a great favorite with my wife.

For my own part, I soon found a dislike to it arising within me. This was just the reverse of what I had anticipated; but I know not how or why it was --its evident fondness for myself rather disgusted and annoyed. By slow degrees, these feelings of disgust and annoyance rose into the bitterness of hatred. I avoided the creature; a certain sense of shame, and the remembrance of my former deed of cruelty, preventing me from physically abusing it. I did not, for some weeks, strike, or otherwise violently ill use it; but gradually --very gradually --I came to look upon it with unutterable loathing, and to flee silently from its odious presence, as from the breath of a pestilence.

What added, no doubt, to my hatred of the beast, was the discovery, on the morning after I brought it home, that, like Pluto, it also had been deprived of one of its eyes. This circumstance, however, only endeared it to my wife, who, as I have already said, possessed, in a high degree, that humanity of feeling which had once been my distinguishing trait, and the source of many of my simplest and purest pleasures.

With my aversion to this cat, however, its partiality for myself seemed to increase. It followed my footsteps with a pertinacity which it would be difficult to make the reader comprehend. Whenever I sat, it would crouch beneath my chair, or spring upon my knees, covering me with its loathsome caresses. If I arose to walk it would get between my feet and thus nearly throw me down, or, fastening its long and sharp claws in my dress, clamber, in this manner, to my breast. At such times, although I longed to destroy it with a blow, I was yet withheld from so doing, partly it at by a memory of my former crime, but chiefly --let me confess it at once --by absolute dread of the beast.

This dread was not exactly a dread of physical evil-and yet I should be at a loss how otherwise to define it. I am almost ashamed to own --yes, even in this felon's cell, I am almost ashamed to own --that the terror and horror with which the animal inspired me, had been heightened by one of the merest chimaeras it would be possible to conceive. My wife had called my attention, more than once, to the character of the mark of white hair, of which I have spoken, and which constituted the sole visible difference between the strange beast and the one I had y si destroyed. The reader will remember that this mark, although large, had been originally very indefinite; but, by slow degrees --degrees nearly imperceptible, and which for a long time my Reason struggled to reject as fanciful --it had, at length, assumed a rigorous distinctness of outline. It was now the representation of an object that I shudder to name --and for this, above all, I loathed, and dreaded, and would have rid myself of the monster had I dared --it was now, I say, the image of a hideous --of a ghastly thing --of the GALLOWS! --oh, mournful and terrible engine of Horror and of Crime --of Agony and of Death!

And now was I indeed wretched beyond the wretchedness of mere Humanity. And a brute beast --whose fellow I had contemptuously destroyed --a brute beast to work out for me --for me a man, fashioned in the image of the High God --so much of insufferable wo! Alas! neither by day nor by night knew I the blessing of Rest any more! During the former the creature left me no moment alone; and, in the latter, I started, hourly, from dreams of unutterable fear, to find the hot breath of the thing upon my face, and its vast weight --an incarnate Night-Mare that I had no power to shake off --incumbent eternally upon my heart!

Beneath the pressure of torments such as these, the feeble remnant of the good within me succumbed. Evil thoughts became my sole intimates --the darkest and most evil of thoughts. The moodiness of my usual temper increased to hatred of all things and of all mankind; while, from the sudden, frequent, and ungovernable outbursts of a fury to which I now blindly abandoned myself, my uncomplaining wife, alas! was the most usual and the most patient of sufferers.

One day she accompanied me, upon some household errand, into the cellar of the old building which our poverty compelled us to inhabit. The cat followed me down the steep stairs, and, nearly throwing me headlong, exasperated me to madness. Uplifting an axe, and forgetting, in my wrath, the childish dread which had hitherto stayed my hand, I aimed a blow at the animal which, of course, would have proved instantly fatal had it descended as I wished. But this blow was arrested by the hand of my wife. Goaded, by the interference, into a rage more than demoniacal, I withdrew my arm from her grasp and buried the axe in her brain. She fell dead upon the spot, without a groan.

This hideous murder accomplished, I set myself forthwith, and with entire deliberation, to the task of concealing the body. I knew that I could not remove it from the house, either by day or by night, without the risk of being observed by the neighbors. Many projects entered my mind. At one period I thought of cutting the corpse into minute fragments, and destroying them by fire. At another, I resolved to dig a grave for it in the floor of the cellar. Again, I deliberated about casting it in the well in the yard --about packing it in a box, as if merchandize, with the usual arrangements, and so getting a porter to take it from the house. Finally I hit upon what I considered a far better expedient than either of these. I determined to wall it up in the cellar --as the monks of the middle ages are recorded to have walled up their victims.

For a purpose such as this the cellar was well adapted. Its walls were loosely constructed, and had lately been plastered throughout with a rough plaster, which the dampness of the atmosphere had prevented from hardening. Moreover, in one of the walls was a projection, caused by a false chimney, or fireplace, that had been filled up, and made to resemble the rest of the cellar. I made no doubt that I could readily displace the at this point, insert the corpse, and wall the whole up as before, so that no eye could detect anything suspicious.

And in this calculation I was not deceived. By means of a crow-bar I easily dislodged the bricks, and, having carefully deposited the body against the inner wall, I propped it in that position, while, with little trouble, I re-laid the whole structure as it originally stood. Having procured mortar, sand, and hair, with every possible precaution, I prepared a plaster could not every poss be distinguished from the old, and with this I very carefully went over the new brick-work. When I had finished, I felt satisfied that all was right. The wall did not present the slightest appearance of having been disturbed. The rubbish on the floor was picked up with the minutest care. I looked around triumphantly, and said to myself --"Here at least, then, my labor has not been in vain."

My next step was to look for the beast which had been the cause of so much wretchedness; for I had, at length, firmly resolved to put it to death. Had I been able to meet with it, at the moment, there could have been no doubt of its fate; but it appeared that the crafty animal had been alarmed at the violence of my previous anger, and forebore to present itself in my present mood. It is impossible to describe, or to imagine, the deep, the blissful sense of relief which the absence of the detested creature occasioned in my bosom. It did not make its appearance during the night --and thus for one night at least, since its introduction into the house, I soundly and tranquilly slept; aye, slept even with the burden of murder upon my soul!

The second and the third day passed, and still my tormentor came not. Once again I breathed as a free-man. The monster, in terror, had fled the premises forever! I should behold it no more! My happiness was supreme! The guilt of my dark deed disturbed me but little. Some few inquiries had been made, but these had been readily answered. Even a search had been instituted --but of course nothing was to be discovered. I looked upon my future felicity as secured.

Upon the fourth day of the assassination, a party of the police came, very unexpectedly, into the house, and proceeded again to make rigorous investigation of the premises. Secure, however, in the inscrutability of my place of concealment, I felt no embarrassment whatever. The officers bade me accompany them in their search. They left no nook or corner unexplored. At length, for the third or fourth time, they descended into the cellar. I quivered not in a muscle. My heart beat calmly as that of one who slumbers in innocence. I walked the cellar from end to end. I folded my arms upon my bosom, and roamed easily to and fro. The police were thoroughly satisfied and prepared to depart. The glee at my heart was too strong to be restrained. I burned to say if but one word, by way of triumph, and to render doubly sure their assurance of my guiltlessness.

"Gentlemen," I said at last, as the party ascended the steps, "I delight to have allayed your suspicions. I wish you all health, and a little more courtesy. By the bye, gentlemen, this --this is a very well constructed house." (In the rabid desire to say something easily, I scarcely knew what I uttered at all.) --"I may say an excellently well constructed house. These walls --are you going, gentlemen? --these walls are solidly put together"; and here, through the mere phrenzy of bravado, I rapped heavily, with a cane which I held in my hand, upon that very portion of the brick-work behind which stood the corpse of the wife of my bosom.

But may God shield and deliver me from the fangs of the Arch-Fiend! No sooner had the reverberation of my blows sunk into silence than I was answered by a voice from within the tomb! --by a cry, at first muffled and broken, like the sobbing of a child, and then quickly swelling into one long, loud, and continuous scream, utterly anomalous and inhuman --a howl --a wailing shriek, half of horror and half of triumph, such as might have arisen only out of hell, conjointly from the throats of the damned in their agony and of the demons that exult in the damnation.

Of my own thoughts it is folly to speak. Swooning, I staggered to the opposite wall. For one instant the party upon the stairs remained motionless, through extremity of terror and of awe. In the next, a dozen stout arms were tolling at the wall. It fell bodily. The corpse, already greatly decayed and clotted with gore, stood erect before the eyes of the spectators. Upon its head, with red extended mouth and solitary eye of fire, sat the hideous beast whose craft had seduced me into murder, and whose informing voice had consigned me to the hangman. I had walled the monster up within the tomb!

THE END

Le Chat qui s’en va tout seul

Rudyard Kipling

1902

Traduction de
Robert d’Humières et Louis Fabulet

1903

 

Hâtez-vous d'ouïr et d'entendre ; car ceci fut, arriva, devint et survint, ô Mieux Aimée, au temps où les bêtes Apprivoisées étaient encore sauvages. Le Chien était sauvage, et le Cheval était sauvage, et la Vache était sauvage, et le Cochon était sauvage — et ils se promenaient par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, tous sauvages et solitairement. Mais le plus sauvage de tous était le Chat. Il se promenait seul et tous lieux se valaient pour lui.

Naturellement, l'Homme était sauvage aussi. Il était sauvage que c'en était affreux. Il ne commença à s'apprivoiser que du jour où il rencontra la Femme, et elle lui dit qu'elle n'aimait pas la sauvagerie de ses manières. Elle s'arrangea, pour y coucher, une jolie caverne sèche au lieu d'un tas de feuilles humides ; elle poudra le sol de sable clair et elle fit un bon feu de bois au fond de la caverne ; puis elle pendit une peau de cheval, la queue en bas, devant l'entrée de la caverne, et dit :

— Essuie tes pieds, mon ami, quand tu rentres ; nous allons nous mettre en ménage.

Ce soir, Mieux Aimée, ils mangèrent du mouton sauvage cuit sur les pierres chaudes et relevé d'ail sauvage et de poivre sauvage ; et du canard sauvage farci de riz sauvage et de fenouil sauvage et de coriandre sauvage ; et des os à moelle de taureaux sauvages et des cerises sauvages, avec des arbouses de même. Puis l'Homme, très content, s'endormit devant le feu ; mais la Femme resta éveillée, à peigner ses cheveux. Elle prit l'épaule du mouton — la grande éclanche plate — et elle en observa les marques merveilleuses ; puis elle jeta plus de bois sur le feu et fit un Sortilège. Ce fut le premier Sort qu'on eût fait sur la terre.

Là-bas, dans les Bois Mouillés, tous les Animaux sauvages s'assemblèrent où ils pouvaient voir de loin la lumière du feu, et ils se demandèrent ce que cela signifiait.

Alors Cheval Sauvage piaffa et dit :

— Ô mes Amis, et vous, mes Ennemis, pourquoi l'Homme et la Femme ont-ils fait cette grande lumière dans cette grande Caverne, et quel mal en souffrirons-nous ?

Chien Sauvage leva le museau et renifla l'odeur du mouton cuit et dit :

— J'irai voir ; je crois que c'est bon. Chat, viens avec moi.

— Nenni ! dit le Chat. Je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi. Je n'irai pas.

— Donc, c'est fini nous deux, dit Chien Sauvage. Et il s'en fut au petit trot.

Il n'avait pas fait beaucoup de chemin que le Chat se dit : « Tous lieux se valent pour moi. Pourquoi n'irais-je pas voir aussi, voir, regarder, puis partir à mon gré ? » C'est pourquoi, tout doux, tout doux, à pieds de velours, il suivit Chien Sauvage et se cacha pour mieux entendre.

Quand Chien Sauvage atteignit l'entrée de la Caverne, il souleva du museau la peau du cheval sauvage et renifla la bonne odeur du mouton cuit, et la Femme, l'œil sur l'éclanche, l'entendit, et rit, et dit :

— Voici le premier. Sauvage enfant des Bois Sauvages, que veux-tu donc ?

Chien Sauvage dit :

— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, qu'est-ce qui sent si bon par les Bois Sauvages ?

Alors la Femme prit un os du mouton et le jeta à Chien Sauvage et dit :

— Sauvage enfant du Bois Sauvage, goûte et connais.

Chien Sauvage rongea l'os, et c'était plus délicieux que tout ce qu'il avait goûté jusqu'alors, et dit :

— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, donne-m'en un autre.

La Femme dit :

— Sauvage enfant du Bois Sauvage, aide mon Homme à chasser le jour et garde ce logis la nuit, et je te donnerai tous les os qu'il te faudra.

— Ah ! dit le Chat aux écoutes, voici une Femme très maligne ; mais elle n'est pas si maligne que moi.

Chien Sauvage entra, rampant, dans la Caverne et mit sa tête sur les genoux de la Femme, disant :

— Ô mon Amie, Femme de mon Ami, j'aiderai ton Homme à chasser le jour, et la nuit je garderai la Caverne.

— Tiens, dit le Chat aux écoutes, voilà un bien sot Chien !

Et il repartit par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, en remuant la queue et tout seul. Mais il ne dit rien à personne. Quand l'Homme se réveilla, il dit :

— Que fait Chien Sauvage ici ?

Et la Femme dit :

— Son nom n'est plus Chien Sauvage, mais Premier Ami ; car il sera maintenant notre ami à jamais et toujours. Prends-le quand tu vas à la chasse.

La nuit d'après, la Femme fut couper à grandes brassées vertes de l'herbe fraîche aux prés riverains et la sécha devant le feu. Cela fit une odeur de foin, et la Femme, assise à la porte de la Grotte, tressa un licol en lanières de cuir et regarda l'éclanche — le grand os de mouton plat — et fit un Sortilège. Elle fit le Second Sort qu'on eût fait sur la terre. Là-bas, dans les Bois Sauvages, tous les animaux se demandaient ce qui était arrivé à Chien Sauvage. À la fin, Poulain Sauvage frappa du pied et dit :

— J'irai voir et rapporter pourquoi Chien Sauvage n'est pas revenu. Chat, viens avec moi.

— Nenni ! dit le Chat. Je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi. Je n'irai pas.

Mais, tout de même, il suivit Poulain Sauvage, tout doux, tout doux, à pas de velours, et se cacha pour mieux entendre.

Quand la Femme entendit Poulain Sauvage qui butait en marchand sur sa longue crinière, elle rit et dit :

— Voici le second. Sauvage enfant du Bois Sauvage, que me veux-tu ?

Poulain Sauvage dit :

— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, où est Chien Sauvage ?

La Femme rit, ramassa l'éclanche et le regarda, puis dit:

— Sauvage Enfant du Bois Sauvage, tu n'es pas venu pour Chien Sauvage, mais pour le foin qui sent bon.

Et Poulain Sauvage, qui butait en marchant sur sa longue crinière, dit :

— C'est vrai ; donne-m'en à manger. La Femme dit :

— Sauvage Enfant du Bois Sauvage, courbe la tête et porte le présent que je te donne ici ; à ce prix, mangeras-tu l'herbe merveilleuse trois fois le jour ?

— Ah ! dit le Chat aux écoutes, voici une Femme très maligne ; mais elle n'est pas aussi maligne que moi.

 

Ça, c'est l'image de la Caverne où l'Homme et la Femme habitaient au commencement de tout. C'était vraiment une Caverne très bien et beaucoup plus chaude qu'elle n'en a l'air. L'Homme a une pirogue. Elle est sur le bord de la rivière et trempe dans l'eau pour gonfler le bois. La chose en ficelles, en travers de la rivière, est le filet dont l'Homme se sert pour prendre du saumon. Il y a de jolies pierres propres pour aller de l'entrée de la Caverne à la rivière, afin que l'Homme et la Femme puissent descendre chercher de l'eau sans se mettre du sable entre les doigts de pied. Les affaires qui ressemblent à des cafards, plus loin, le long de la rive, sont vraiment des troncs d'arbres morts qui ont descendu la rivière, venus des Bois Sauvages. L'Homme et la Femme les tiraient de l'eau afin de les sécher, puis de les couper avant de les brûler. Je n'ai pas dessiné la peau du cheval qui fermait l'entrée de la Caverne, parce que la Femme vient de la décrocher pour la laver. Toutes ces petites taches sur le sable, entre ta Grotte et la rivière, sont les marques des pieds de l'Homme et de la Femme. L'Homme et la Femme sont ensemble dans la Grotte, en train de dîner. Ils prirent une Caverne plus commode après l'arrivée du Bébé, parce que le Bébé avait pris l'habitude de s'en aller à quatre pattes jusqu'à la rivière et de tomber dedans, après quoi il fallait que le Chien le repêche.


Poulain Sauvage courba la tête et la Femme glissa par-dessus le licol de cuir tressé, et Poulain Sauvage souffla sur les pieds de la Femme et dit :

— Ô ma Maîtresse, Femme de mon Maître, je serai ton esclave à cause de l'herbe merveilleuse.

— Ah ! dit le Chat aux écoutes, voilà un sot Poulain. Et il s'en retourna par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, en remuant la queue et tout seul. Mais il ne dit rien à personne.

Quand l'Homme et le Chien revinrent de la chasse, l'Homme dit :

— Que fait le Poulain Sauvage ici ?

Et la Femme dit :

— Il ne s'appelle plus Poulain Sauvage, mais Premier Fidèle ; car il nous portera de place en place, désormais et toujours. Monte sur son dos, quand tu vas à la chasse.

Le jour après, la tête haute pour que ses cornes ne se prennent pas aux branches des arbres sauvages, Vache Sauvage vint à la Caverne, et le Chat suivit, se cachant comme avant ; et tout arriva tout à fait comme avant ; et le Chat dit les mêmes choses qu'avant ; et quand Vache Sauvage eut promis son lait à la Femme tous les jours, en échange de l'herbe merveilleuse, le Chat s'en retourna par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, en remuant la queue et tout seul, juste comme avant. Mais il ne dit rien à personne. Et quand l'Homme, le Cheval et le Chien revinrent de la chasse et demandèrent les mêmes questions qu'avant, la Femme dit :

— Son nom n'est plus Vache Sauvage, mais Nourricière du Logis. Elle nous donnera le bon lait tiède et blanc, désormais et toujours, et je prendrai soin d'elle, pendant que toi, Premier Ami et Premier Fidèle vous serez à la chasse.

Le jour après, le Chat attendit voir si quelque autre Chose Sauvage s'en irait à la Caverne ; mais rien ne bougea dans les Chemins Mouillés du Bois Sauvage. Alors le Chat s'en fut tout seul, et il vit la Femme qui trayait la Vache, et il vit la clarté du feu dans la Caverne, et il sentit l'odeur du lait tiède et blanc.

Chat dit :

— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, où Vache Sauvage est-elle allée ?

La Femme rit et dit :

— Sauvage Enfant du Bois Sauvage, retourne au Bois d'où tu viens, car j'ai rattaché mes cheveux, j'ai serré l'éclanche magique, et nous n'avons plus besoin, dans notre Caverne, d'amis ni de serviteurs.

Chat dit :

— Je ne suis pas un ami et je ne suis pas un serviteur. Je suis le Chat qui s'en va tout seul, et je désire entrer dans votre Grotte.

La Femme dit :

— Alors, pourquoi n'es-tu pas venu la première nuit avec Premier Ami ?

Chat se fâcha très fort et dit :

— Chien Sauvage a-t-il fait des contes sur moi ? Alors la Femme rit et dit :

— Tu es le Chat qui s'en va tout seul, et tous lieux se valent pour toi. Tu n'es ami ni serviteur. Tu l'as dit toi-même. Va-t'en donc, puisque tous lieux se valent, te promener à ton gré.

Alors Chat fit semblant de regretter et dit :

— N'entrerai-je donc jamais dans la Grotte ? Ne m'assoirai-je jamais près du feu qui tient chaud ? Ne boirai-je jamais le lait tiède et blanc ? Vous êtes très sage et très belle. Vous ne devriez pas faire de mal, même à un Chat.

La Femme répondit :

— Je savais que j'étais sage ; mais belle, je ne savais pas. Soit. Nous ferons un marché. Si jamais je prononce un seul mot à ta louange, tu pourras entrer dans la Grotte.

— Et si tu en prononces deux ? dit le Chat.

— Cela n'arrivera jamais, dit la Femme ; mais si je prononce deux mots à ta louange, tu pourras t'asseoir près du feu dans la Grotte.

— Et si tu dis trois mots ? dit le Chat.

— Jamais cela n'arrivera, dit la Femme ; mais si je dis trois mots à ta louange, tu pourras laper le lait tiède et blanc trois fois le jour, à jamais.

Alors le Chat fit le gros dos et dit :

— Que le rideau qui ferme la Grotte, le Feu qui brûle au fond et les pots à lait rangés près du Feu soient témoins de ce qu'a juré mon Ennemie, Femme de mon Ennemi.

Et il s'en alla par les Chemins Mouillés des Bois Sauvages, remuant la queue et tout seul.

Cette nuit-là, quand l'Homme, le Cheval et le Chien revinrent de la chasse, la Femme ne leur parla pas du marché qu'elle avait fait avec le Chat, parce qu'elle avait peur qu'il ne leur plût point.

Chat s'en alla très loin et se cacha parmi les Mousses Mouillées des Bois Sauvages, tout seul, à son gré, pendant très longtemps, si long que la Femme n'y pensa plus. Seule, la Chauve-Souris, la petite Souris-Chauve, qui pendait tête en bas à l'intérieur de la Grotte, sut où il se cachait, et, tous les soirs, s'en allait voletant lui porter les nouvelles.

Un soir, Chauve-Souris dit :

— Il y a un Bébé dans la Grotte. Il est tout neuf, rose, gras et petit, et la Femme en fait grand cas.

— Ah ! dit le Chat aux écoutes ; et le Bébé, de quoi fait-il cas ?

— Il aime les choses moelleuses, douces et qui chatouillent. Il aime des choses tièdes à tenir dans les bras en s'endormant. Il aime qu'on joue avec. Il aime tout cela.

— Ah ! dit le Chat aux écoutes ; alors mon temps est venu.

La nuit après, Chat s'en vint par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage et se cacha tout contre la Grotte jusqu'au matin où l'Homme, le Cheval et le Chien partirent pour la chasse. La Femme faisait la cuisine, ce matin-là, et le Bébé pleurait et l'empêchait de travailler. C'est pourquoi elle le porta hors de la Grotte et lui donna une poignée de cailloux pour jouer. Mais le Bébé continua de pleurer.

Alors le Chat avança sa patte pelote et toucha la joue du Bébé, qui fit risette ; et le Chat se frotta contre les petits genoux dodus et chatouilla du bout de la queue sous le petit menton gras, et le Bébé riait. Et la Femme, l'entendant, sourit.

Alors la Chauve-Souris — la petite Souris-Chauve qui pendait la tête en bas — dit :

— 0 mon Hôtesse, Femme de mon Hôte et Mère du Fils de mon Hôte, un sauvage enfant des Bois Sauvages est là qui joue très bellement avec votre Bébé.

— Béni soit-il, quelque nom qu'on lui donne, dit la Femme en se redressant. J'avais fort à faire ce matin et il m'a rendu service.

À cette même minute et seconde, Mieux Aimée, la Peau de cheval séchée qui pendait, la queue en bas, devant la porte de la Caverne, tomba — wouch... à cause qu'elle se rappela le marché conclu avec le Chat ; et quand la Femme alla pour la raccrocher — vrai comme je le dis —, voilà qu'elle vit le Chat installé bien aise dans la Grotte.

 

 

Ça, c'est le portrait du Chat qui s'en va par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, remuant la queue et tout seul. Il n'y a pas autre chose dans l'image, excepté des champignons. Ils ne pouvaient pas faire autrement que de pousser là, à cause que les Bois étaient si mouillés. La chose comme une motte sur la branche du bas n'est pas un oiseau. C'est de la mousse qui poussait là, parce- que les Bois Sauvages étaient si mouillés.

Au-dessous de l'image pour de vrai, il y en a une autre de la Caverne commode où l'Homme et la Femme s'installèrent après la venue du Bébé. C'était la Caverne d'été, et Us plantèrent de l'orge devant. L'Homme part sur le dos du Cheval chercher la Vache, afin de la ramener à la Grotte pour se faire traire. Il lève une main pour appeler le Chien qui a traversé à la nage pour courir après des Lapins.


— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat, c'est moi ; car tu as prononcé un mot à ma louange, et maintenant je puis rester dans la Grotte, désormais et toujours. Pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul, et tous lieux se valent pour moi.

La Femme fut très en colère et serra les lèvres et prit son rouet et se mit à filer.

Mais le Bébé pleurait que le Chat fût parti et la Femme n'arrivait plus à le faire taire, car il gigotait et se débattait et devenait violet.

— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat, prends un bout du fil que tu files, attache-le à ton fuseau et laisse-le traîner par terre, et je te montrerai une Magie qui fera rire ton Bébé aussi fort qu'il pleure à présent.

— Je vais le faire, dit la Femme, parce que je suis à bout, mais je ne te dirai pas merci.

Elle attacha le fil au petit fuseau d'argile et le fit traîner par terre ; alors le Chat courut après et lui donna des coups de patte et fit des culbutes et l'envoya par-dessus son épaule et le poursuivit entre ses pattes de derrière et fit semblant de le perdre, et fonça dessus de nouveau jusqu'à ce que le Bébé rît aussi fort qu'il avait pleuré et jouât d'un bout de la grotte à l'autre tant qu'il fut las et s'installa pour dormir avec le Chat dans ses bras.

— Maintenant, dit Chat, je chanterai au Bébé une chanson qui l'empêchera de s'éveiller d'une heure.

Et il se mit à ronronner tout bas, tout doux, tout doux, tout bas, jusqu'à ce que le Bébé s'endormît.

La Femme sourit et les regarda tous deux et dit :

— Voilà qui fut très bien fait. Nul doute que tu sois très habile, ô Chat.

À la minute, à la seconde, Mieux Aimée, la fumée du Feu au fond de la Grotte descendit tout à coup de la voûte — poff ! — parce qu'elle se rappelait le marché fait avec le Chat, et quand elle se dissipa, vrai comme je le dis, voici le Chat installé bien aise auprès du feu !

— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi, et Mère de mon Ennemi, c'est moi ; car pour la seconde fois tu as parlé à ma louange, et maintenant j'ai droit de me mettre auprès du feu qui tient chaud, désormais et toujours. Pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul, et tous lieux se valent pour moi.

Alors la Femme fut très en colère et défit ses cheveux et remit du bois sur le feu et sortit le grand os d'éclanche et se mit à faire un sortilège qui l'empêchât de dire un troisième mot à la louange du Chat. Ce n'était pas une magie à musique, Mieux Aimée, c'était une magie muette ; et bientôt il fit si tranquille dans la Grotte, qu'un petit, tout petit bout de souris sortit d'un coin noir et traversa en courant.

— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat, cette petite souris fait-elle partie de ton sortilège ?

— Hou ! Oh ! là là ! Au secours !. Non, certes, dit la Femme en laissant tomber l'éclanche et en sautant sur l'escabeau devant le feu et en rattachant ses cheveux dare-dare, de peur que la souris n'y grimpât.

— Ah ! dit le Chat ouvrant l'œil. Alors la souris ne me fera pas de mal si je la mange ?

— Non, dit la Femme, en rattachant ses cheveux, mange-la vite et je t'en serai reconnaissante à jamais.

Chat ne fit qu'un bond et goba la petite souris. Alors la Femme dit :

— Merci mille fois. Le Premier Ami lui-même n'attrape pas les petites souris aussi vivement. Tu dois être très habile.

À la minute, à la seconde, Mieux Aimée, le Pot à Lait qui chauffait devant le feu se fendit en deux — ffft ! — parce qu'il se rappela le marché conclu avec le Chat ; et quand la Femme sauta à bas de l'escabeau — vrai comme je le dis ! — voilà le Chat qui lapait le lait tiède et blanc resté au creux d'un des morceaux.

— Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat, c'est moi. Car tu as dit trois mots à ma louange et, maintenant, je pourrai boire le lait tiède et blanc trois fois le jour à tout jamais. Mais, pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi.

Alors la Femme rit et mit devant le Chat un bol de lait tiède et blanc et dit :

— Ô Chat, tu es aussi habile qu'un homme, mais souviens-toi, ton marché ne fut conclu avec l'Homme ni le Chien, et je ne sais pas ce qu'ils feront en rentrant.

— Que m'importe, dit le Chat. Pourvu que j'aie ma place dans la Grotte, près du feu et mon lait tiède et blanc trois fois le jour, je ne me soucie pas de l'Homme ni du Chien.

Ce soir-là, quand l'Homme et le Chien rentrèrent dans la Grotte, la Femme leur dit l'histoire du marché, tandis que le Chat, assis au coin du feu; souriait en écoutant. Alors l'Homme dit :

— Oui, mais il n'a pas fait de marché avec moi ni avec tous les Hommes qui me ressemblent.

Alors il retira ses deux bottes de cuir, il prit sa hachette de pierre (ce qui fait trois) et les rangea devant lui et dit :

— Maintenant nous ferons marché à notre tour. Si tu n'attrapes pas les souris tant que tu seras dans la Grotte à jamais et toujours, je te jetterai ces trois choses partout où je te verrai, et de même feront après moi tous les Hommes qui me ressemblent

— Ah ! dit la Femme aux écoutes, tu es un très habile Chat, mais pas autant que mon Homme.

Le Chat compta les trois choses (elles avaient l'air très dures et bosselées), et il dit :

— J'attraperai des souris tant que je serai dans la Grotte à jamais et toujours ; mais, pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi.

— Pas tant que je serai par là, dit l'Homme. Si tu n'avais pas dit ces derniers mots, j'aurais serré ces choses pour jamais et toujours, mais à présent je te jetterai mes deux bottes et ma hachette de pierre (ce qui fait trois) toutes les fois que je te rencontrerai. Et ainsi feront après moi tous les Hommes qui me ressemblent.

Alors le Chien dit :

— Attends une minute. Il n'a pas fait marché avec moi ni avec tous les Chiens qui me ressemblent.

Et il montra les dents et dit :

— Si tu n'es pas gentil pour le Bébé pendant que je suis dans la Grotte, je te courrai après jusqu'à ce que je t'attrape, et quand je t'attraperai je te mordrai. Et ainsi feront avec moi tous les Chiens qui me ressemblent.

— Ah ! dit la Femme aux écoutes. C'est là un très habile Chat, mais pas autant que le Chien.

Chat compta les crocs du Chien (ils avaient l'air très pointus), et il dit :

— Je serai gentil pour le Bébé tant que je serai dans la Grotte et pourvu qu'il ne me tire pas la queue trop fort, à jamais et toujours. Mais, pas moins, je suis le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour moi !

— Pas tant que je suis là, dit le Chien. Si tu n'avais pas dit ces derniers mots, j'aurais refermé ma gueule pour toujours et jamais : mais à présent je te ferai grimper aux arbres en quelque endroit que je te trouve. Et ainsi feront après moi tous les Chiens qui me ressemblent.

Alors l'Homme jeta ses deux bottes et sa hachette de pierre (ce qui fait trois), et le Chat s'enfuit hors de la Grotte et le Chien courut et le fit monter aux arbres ; et de ce jour à celui-ci, Mieux Aimée, trois Hommes sur cinq ne manqueront jamais de jeter des choses à un Chat quand ils le rencontrent, et tous les Chiens courront après et le feront grimper aux arbres. Mais le Chat s'en tient au marché de son côté pareillement. Il tuera les souris, il sera gentil pour les Bébés tant qu'il est dans la maison et qu'ils ne lui tirent pas la queue trop fort. Mais quand il a fait cela, entre-temps, et quand la lune se lève et que la nuit vient, il est le Chat qui s'en va tout seul et tous lieux se valent pour lui. Alors il s'en va par les Chemins Mouillés du Bois Sauvage, sous les Arbres ou sur les Toits, remuant la queue et tout seul.

 

 

Sources : 
Edgar Allan POE, Le chat noir et autres nouvelles, J'ai Lu, Collection Librio, 2004.
Rudyard KIPLING, Histoires comme ça, Gallimard, Folio Junior, 1999
Tennessee WILLIAMS, Le boxeur manchot, Robert Laffont, Pavillons poche, 2006
Tennessee WILLIAMS, La chatte sur un toit brûlant, 10/18, 2003
Patricia HIGHSMITH, Des chats et des hommes, Calman-Levy, 2007
Patricia HIGHSMITH, La proie du chat, LGF, Livre de poche, 1983.

Les chats http://membres.lycos.fr/cld/chats.htm

Charles Baudelaire

Les chats

Boris Vian

La java des pussy-cats

Rainer Maria Rilke

Le chat noir

Colette

Le petit chat noir

Jacques Stenberg

Les esclaves

Robert Desnos

Le chat qui ne ressemble à rien

Paul Eluard

Le chat

Colette

Noir

Prosper Mérimée

Lettre à Mlle Olga Lagrané

Colette

Prrou

Charles Cros

A une chatte

Charles Baudelaire

Le chat

Colette

Le matou

Edmond Rostand

Le petit chat

Jacques Prévert

Le chat et l'oiseau

Guillaume Apollinaire

Le chat

Jean Anouilh

Le chat bourgeois

Charles Baudelaire

Le chat

Eustache Deschamps

Le chat et les souris

Joachim du Bellay

Sonnet à Ménine

Tristan Klingsor

Chanson du chat

Joachim du Bellay

Vers français sur la mort d'un petit chat

Jules Lemaitre

Sonnet

Claude Roy

Le petit chat blanc

Jacques Roubaud

Poème du chat

 

 

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